Le meilleur buteur de la NCAA vient de... Beauport!
« Nul n’est prophète en son pays », dit le proverbe. Et c’est aussi vrai au hockey, semble-t-il. Jusqu’à maintenant cette saison, le meilleur buteur du hockey universitaire américain (NCAA division 1) est Kevin Dufour, un ailier gauche originaire de Beauport qui est devenu une véritable vedette sur le campus de l’Université Bowling Green, en Ohio.
Dufour est un joueur de deuxième année (sophomore) à Bowling Green, une université publique qui compte une longue tradition en matière de hockey. Après 10 matchs cette saison, Kevin Dufour revendique 9 buts et 1 mention d’aide. La saison est encore jeune, mais au chapitre des buts marqués, cela se compare au rythme que maintenait la saison dernière le phénoménal Johnny Gaudreau, qui en était alors à sa troisième année dans l’uniforme de Boston College. Cette saison, Gaudreau fait fureur dans l’uniforme des Flames de Calgary.
« Ma production semble pas mal déséquilibrée lorsqu’on voit que j’ai obtenu une seule mention d’aide comparativement à neuf buts, mais je suis certain que ça va rentrer dans l’ordre. À titre d’exemple, j’ai connu une saison de 35 buts et 34 mentions d’aide quand je jouais au collège Saint Lawrence (à Québec) dans le passé. Je ne suis pas seulement un marqueur », explique l’ailier gauche de 22 ans.
« Kevin possède un instinct offensif très développé. Il voit sur la patinoire des choses que les autres ne voient pas. Et c’est un marqueur naturel. Son explosivité sur patins lui permet de générer des transitions très rapides en zone neutre et de rehausser le tempo d’un match. Il a fait d’immenses progrès depuis son arrivée avec nous l’an dernier. Il joue beaucoup mieux sans la rondelle, et il est maintenant très difficile de lui enlever le disque lorsqu’il en a possession », dit l’entraîneur de Bowling Green, Chris Bergeron (un Américain).
Dufour évolue dans un trio mené par un autre Québécois, Pierre-Luc Mercier, qui a été développé par le Cégep André-Laurendeau, à LaSalle. Mercier montre une fiche de 1 but et 7 mentions d’aide en 10 matchs.
Dufour et Mercier n’ont sans doute pas de difficulté à développer une complicité sur la patinoire. Ils étudient tous les deux en finances, en plus d’être cochambreurs! Ils sont pour ainsi dire toujours ensemble.
Les exploits offensifs ont fortement contribué à propulser les Falcons de Bowling Green au 19e rang du classement national, chose qui ne s’était pas vue en sept ans.
« Ça fait 15 ans que je dirige des équipes au niveau universitaire, et c’est la première fois que j’ai l’occasion de diriger des joueurs francophones. Nous sommes chanceux de les avoir! Et j’espère que leurs succès nous permettront d’en recruter d’autres », confie Chris Bergeron.
Et tant sur le campus que dans la petite ville de Bowling Green, qui compte un peu plus de 29 000 habitants, tout le monde parle de Kevin Dufour. Il a notamment inspiré ses nouveaux « disciples » à se rallier, sur Twitter, sous la bannière #ChurchOfDufour (l’Église de Dufour). Allez y jeter un coup d’œil. Les cris du cœur, humoristiques et très enthousiastes, des partisans de l’équipe sont très amusants.
Je m’en veux un peu d’avoir inséré le nom de Johnny Gaudreau en début de chronique parce que les histoires des deux hockeyeurs ne se comparent pas du tout. Gaudreau, un Américain, a été une vedette partout où il est passé durant son ascension dans le monde du hockey. Mais Kevin Dufour, lui, est pour ainsi dire passé loin sous le radar dans le système de hockey mineur québécois. Il doit sa présence à Bowling Green à un mentor ainsi qu’à une extraordinaire détermination.
« J’ai participé au camp de l’équipe midget AAA du Séminaire Saint-François il y a six ou sept ans. Et j’ai été le dernier joueur retranché, même si j’avais récolté le plus haut total de points durant les matchs préparatoires. Quand je me suis présenté à l’équipe midget AA, l’entraîneur n’a pas voulu me prendre parce qu’il avait déjà complété son alignement. Je me suis donc retrouvé au niveau midget CC », raconte Dufour, encore incrédule.
« J’ai récolté quelque 130 points dans le CC, et les Tigres de Victoriaville m’ont invité à leur camp. Mais on m’a retranché après deux jours. Quand tu viens du midget CC, on ne te regarde pas beaucoup dans un camp junior majeur. »
Après son stage midget, Dufour a décidé de poursuivre son cheminement au collège Saint Lawrence, dans la nouvelle ligue collégiale. C’est à cet endroit qu’il est tombé sur l’entraîneur Mike Labadie. « Mike a changé le cours de ma vie. Il m’a dit que je pouvais rêver à autre chose qu’au hockey junior majeur et c’est lui qui m’a dirigé vers le hockey universitaire », raconte le prolifique attaquant.
Saint Lawrence a remporté deux championnats lors des deux saisons où Dufour jouait pour cette équipe. Et le jeu de l’attaquant a attiré l’attention d’un des entraîneurs adjoints de Bowling Green, Ty Eigner. Dans la NCAA, ce sont presque toujours les entraîneurs adjoints qui sont responsables du recrutement.
« Coach Eigner m’a envoyé jouer au niveau Junior A en Ontario (à Carleton Place) pendant un an pour parfaire mon jeu. Et je suis arrivé à Bowling Green la saison passée », dit Kevin Dufour.
La nouvelle vedette des Falcons de Bowling Green, qui fait 1,83 m et 89 kg (6 pi 195 lb), insiste sur le fait qu’il n’a pas l’intention de se satisfaire de son extraordinaire début de saison et de s’asseoir sur ses lauriers. Quand on connaît son cheminement, on comprend pourquoi.
« Je ne proviens pas d’une famille riche, et mes parents ont fait d’immenses sacrifices financiers pour me permettre de venir étudier et jouer ici. Les entraîneurs m’ont consenti 80 % d’une bourse d’études à ma première année. Et en plus de l’aide de mes parents, il fallait que je travaille 65 heures par semaine (dans une entreprise de pavé) durant l’été afin de pouvoir payer mes dépenses. Le soir venu, j’allais m’entraîner seul au gym.
« Pour cette année, Bowling Green m’a accordé une bourse complète. J’ai ainsi pu réduire mes semaines de travail à 45 heures l’été dernier », dit-il fièrement.
« Kevin Dufour est un jeune homme extraordinaire, qui travaille tout le temps, sans relâche. Et c’est un très bon étudiant. Personne ne s’attendait à ce qu’il entreprenne la saison avec 9 buts en 10 rencontres. Mais en même temps, quand on connaît la somme de travail qu’il a déployée, on peut difficilement être surpris. Il a pris les moyens pour réussir », de conclure l’entraîneur Chris Bergeron.